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Magnétosphères dans le système solaire

2021-05-20

Un nouveau livre sur les Magnétosphères de notre système solaire vient d'être publié par Wiley. Il a été co-édité par Romain Maggiolo, notre collègue de l'IASB. De part ses 13 ans d'expérience dans l'équipe de recherche "Magnétosphère", il a été approché pour être l'éditeur principal de ce livre.

La collection Space Physics and Aeronomy de Wiley est une série de livres en cinq volumes qui présentent les observations, modèles et théories scientifiques les plus récents. Ces livres ont pour thème respectifs le Soleil et le vent solaire, les magnétosphères du système solaire, l'ionosphère terrestre, la haute atmosphère terrestre et les effets de la méteorologies spatiale. Ce second volume, "Magnetospheres in the Solar System”, propose une vue d'ensemble des connaissances actuelles et des orientations futures de la recherche en physique magnétosphérique.

Depuis six décennies, lorsque le terme 'magnétosphère' a été introduit pour la première fois, beaucoup a été théorisé et découvert sur cette région de l'espace dominée par le champ magnétique. Chaque magnétosphère est unique mais se comporte selon des processus physiques universels.

Magnetospheres in the Solar System rassemble les contributions d'expérimentateurs, de théoriciens et de modélisateurs numériques pour fournir un aperçu des diverses magnétosphères, depuis les mini-magnétosphères de Mercure jusqu'aux magnétosphères planétaires géantes de Jupiter et de Saturne.

Solarsystem

Maintenant, place à un entretien avec l'éditeur principal du livre

Peut-être pour commencer ... que devons-nous comprendre par le terme "magnétosphère" ?

Artist impression idealising how the solar wind shapes the magnetospheres of Earth (middle) and the induced magnetospheres of Venus and Mars.
Impression d'artiste (pas à l'échelle) idéalisant la façon dont
le vent solaire façonne les magnétosphères de la Terre (au
milieu) et les magnétosphères induites de Vénus (en haut) et
de Mars (en bas). Crédits: ESA

Le terme magnétosphère désigne la région de l’espace où les phénomènes physiques sont dominés par le champ magnétique d’un corps céleste. Pour les corps qui possèdent un champ magnétique global généré dans leur noyau solide, comme la Terre Saturne ou encore Jupiter, la magnétosphère est relativement étendue. De forme allongée, la magnétosphère terrestre s’étend à plus de 50 000 kilomètres de la Terre du côté du Soleil et à plusieurs centaines de milliers de kilomètres du côté opposé au Soleil.

Les corps non magnétisés qui possèdent une atmosphère, même ténue, sont aussi entourés par une magnétosphère. C’est par exemple le cas de Vénus et de Mars. Le champ magnétique est alors créé par des courants électriques circulant dans la haute atmosphère. On parle alors de magnétosphère induite, dont les dimensions sont alors réduites, leur frontière extérieure se situant à seulement quelques centaines de kilomètres d’altitude du côté du Soleil.

Pourquoi est-il important d'étudier ces magnétosphères ?

Les magnétosphères sont à l’interface entre les corps célestes et leur environnement spatial. Pour les planètes du système solaire, elles constituent une région séparant l’atmosphère du vent solaire, un flot de particules chargées électriquement et émis continument par le Soleil. Elles peuvent donc jouer un rôle protecteur en nous protégeant des colères Soleil lors des éruptions solaires. Mais d’un autre côté les magnétosphères peuvent aussi emmagasiner de l’énergie et la libérer brusquement. On parle alors d’orages géomagnétiques, qui peuvent avoir des conséquences dommageables en particulier pour le réseau électrique ou les satellites. Les magnétosphères sont aussi connectées à la haute atmosphère des planètes, la manifestation la plus spectaculaire de ce lien étant les aurores polaires, ces émissions lumineuses visible dans le ciel des régions polaires. On s’interroge aussi sur le rôle que les magnétosphères auraient pu jouer sur la stabilité des atmosphères, est-ce qu’elles les protègent ou au contraire contribuent-elles à leur échappement dans l’espace ?

Les magnétosphères sont donc une composante importante de l’environnement spatial des corps célestes et constituent en tant que telles un objet d’étude intéressant. Chaque magnétosphère est unique, ses propriétés dépendent des propriétés du corps céleste : planète, satellite ou même comète. Ainsi la magnétosphère de Ganymède est située à l’intérieur de la magnétosphère géante de Jupiter, qui est elle-même fortement influencée par la présence de nombreux satellites en son sein. Certaines planètes ont des magnétosphères asymétriques, comme Uranus et Neptune, d’autres des magnétosphères de petite taille et proches du Soleil comme Mercure. Une magnétosphère transitoire apparait même autour des comètes lorsqu’elles sont suffisamment proches du Soleil. Les magnétosphères sont des systèmes complexes couplés à la fois au vent solaire et à l’ionosphère, la partie ionisée de la haute atmosphère. Au sein même d’une magnétosphère, il existe de nombreuses sous régions dans lesquelles les conditions peuvent varier drastiquement. Ainsi, les magnétosphères sont des laboratoires naturels pour l’étude des plasmas, ces gaz constitués de particules chargées électriquement et dont l’univers visible est presque entièrement composé.

Set up of moon-magnetosphere interaction for the case of Jupiter’s Galilean moons.
Mise en place de l'interaction lune-magnétosphère pour le
cas des lunes galiléennes de Jupiter. La magnétosphère de
Jupiter est si grande qu'elle englobe les lunes galiléennes.
L'encart bleu est un zoom dans la région polaire de Jupiter et
montre l'aurore principale de Jupiter où les empreintes
aurorales des lunes Io, Europe et Ganymède sont visibles.
(Crédit image : John Spencer et John Clarke).

Comment étudier les magnétosphères ?

Il n’existe pas une façon unique d’étudier les magnétosphères. L’existence même des magnétosphères a d’abord été déduite de considérations théoriques liées à l’interaction du vent solaire avec les champs magnétiques planétaires. Avant même l’avènement de l’ère du spatial, les effets indirects des courants électriques circulant dans les magnétosphères étaient mesurés à la surface de la Terre avec des magnétomètres, instruments servant à mesurer le champ magnétique et ses variations. Des instruments au sol sont encore utilisés de nos jours, tels des radars ou des réseaux de magnétomètres répartis tout autour du globe. Les mesures satellitaires ont constitué un grand bond en avant. Le premier satellite américain, Explorer 1, embarquait un compteur Geiger qui a permis de découvrir les ceintures de Van Allen, des particules très énergétiques piégées dans la magnétosphère terrestre. Avec le développement d’instruments de plus en plus sensibles, de missions multi-satellitaires comme la mission européenne Cluster ou la mission américaine MMS et l’envoi de nombreuses sondes dans le système solaire, la quantité et la qualité des données ne cesse de s’accroitre ce qui nous fournit une vue de plus en plus précise sur la physique des magnétosphères. Le développement des capacités de calcul informatique permet de produire des modèles informatiques complexes pouvant simuler des magnétosphères d’une manière toujours plus proche de la réalité. Les avancées concernant la connaissance des magnétosphères nécessitent la combinaison de tous ces moyens, de la théorie en passant par les mesures et les modèles informatiques.

Pourquoi a-t-on décidé d'écrire un livre sur les magnétosphères du système solaire ?

Les magnétosphères du système solaire ont été extensivement étudiées au cours des dernières décennies. La quantité de données et de connaissances accumulées est considérable du fait de la variété des magnétosphères dans le système solaire et des moyens utilisés pour les étudier. Il est donc parfois difficile de s’y retrouver tant la littérature scientifique est abondante et tant les méthodes, outils et sujets de recherche peuvent être variés. Il en est de même pour d’autres domaines relatifs à notre environnement spatial proche et à la haute atmosphère. Deux chercheurs américains, Yongliang Zhang et Larry Paxton, ont donc proposé à Wiley, une des plus grande maisons d’édition scientifique, de publier une série de 5 livres sur ces thématiques : la thermosphère, l’ionosphère, la météo spatiale, les magnétosphères et le Soleil. Ces livres sont avant tout destinés aux étudiants en thèse et aux chercheurs. Ils doivent donc proposer un contenu suffisamment accessible pour fournir une porte d’entrée sur les sujets abordés mais aussi suffisamment pointus pour pouvoir être utiles aux chercheurs spécialisés sur ces sujets. Le but est de collecter dans un même livre un maximum d’informations mais aussi de les structurer de façon à offrir une vue globale sur ces thématiques et à les rendre accessible au lecteur.

Pouvez-vous nous parler du contenu du livre ?

Ce livre est composé de 47 chapitres qui peuvent être lus de manière indépendante. La variété des sujets évoqués dans ce livre est assez grande mais ils sont toujours reliés aux magnétosphères dans le système solaire. Ils traitent à la fois de l’historique et des principes physiques, des techniques instrumentales et numériques, de nos connaissances actuelles sur les différentes régions de la magnétosphère terrestre et sur les autres magnétosphères du système solaire. Enfin, les derniers chapitres évoquent les problèmes encore non résolus et donnent des pistes pour le développement futur de la recherche dans ce domaine. Ainsi dans ce livre on traite des planètes du système solaire, de certains de leurs satellites, de comètes, de physique des plasmas, d’instruments et de méthodes de mesures ou encore de simulations numériques.

Chaque chapitre est écrit par des spécialistes renommés. Il est évidemment impossible de traiter de tous les sujets relatifs aux magnétosphères dans un seul livre, même long de 750 pages. Ce livre doit donc être vu comme un guide dans le monde complexe des magnétosphères. Il donne une vision globale sur ce sujet et contient aussi un grand nombre de références pour pouvoir aiguiller le lecteur vers les articles les plus pointus lorsqu’il s’agit d’approfondir une question.

Comment avez-vous été impliqué dans ce projet et quel a été votre rôle dans la publication de ce livre ?

J’ai été contacté pour être l’éditeur principal de ce livre de par mon expérience sur le sujet mais aussi de par l’expertise et la renommée de l’IASB dans le domaine la physique spatiale. A partir de là, j’ai choisis trois coéditeurs pour m’assister dans cette aventure : Nicolas André, un français, Hiroshi Hasegawa, un japonais et Dan Welling, un américain. La première étape a consisté à choisir la structure du livre, le sujet des chapitres et leurs auteurs. Il était très important de donner une structure cohérente au livre mais aussi de mettre en avant la variété liée à ce sujet, aussi bien sur le plan scientifique que sur le plan humain. Nous avons ainsi des auteurs de nombreuses nationalités, des asiatiques, des européens et des américains. Cela reflète la réalité de la recherche sur les magnétosphères, elle est par essence internationale et peu importe la nationalité ou le genre, ce qui compte c’est l’envie de découvrir, de comprendre et de partager le savoir.

Lorsque les auteurs ont achevé une première version de leur chapitre ceux-ci sont relus par des relecteurs. Ils sont choisis pour leur expertise et doivent avoir le moins de liens possibles avec les auteurs, pour assurer un processus de révision le plus objectif possible. J’ai supervisé ce processus de révision. En fonction des commentaires des éditeurs et avec l’aide des coéditeurs, c’est à moi qu’appartenait la décision de valider les chapitres. De plus il a fallu faire attention à l’uniformité du livre, en prenant soin de maintenir un équilibre et une certaine harmonie entre les chapitres. Enfin le processus de production a débuté. J’ai alors servi d’interlocuteur entre les auteurs et Wiley, la maison d’édition. Tout ceci prend du temps, il n’est pas question d’accélérer le processus de publication s’il n’y a pas consensus sur le contenu des chapitres. Ainsi le projet a démarré fin 2017 et le livre n’est publié que maintenant.

Ce projet implique 47 auteurs, souvent accompagnés de plusieurs co-auteurs et chaque chapitre est révisé par au moins deux chercheurs. Ce sont donc plus de 200 chercheurs venant des quatre coins du monde qui ont contribué à ce projet. De ce point de vue c’est une aventure humaine assez extraordinaire. Il se passe beaucoup de choses dans la vie de 200 personnes pendant plus de trois ans !

Référence

Space Physics and Aeronomy Collection Volume 2: Magnetospheres in the Solar System, Geophysical Monograph 259, First Edition.Edited by Romain Maggiolo, Nicolas André, Hiroshi Hasegawa, and Daniel T. Welling.© 2021 American Geophysical Union. Published 2021 by John Wiley & Sons, Inc.DOI: 10.1002/9781119815624.ch1

 

Contact:

Dr. Romain Maggiolo
Chercheur dans l'équipe scientifique “Magnétosphère” de l'IASB

E-mail: Romain(dot)Maggioli(AT)aeronomie(dot)be

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Couverture du livre "Magnetospheres in the Solar System", le second des cinq volumes dans la collection Space Physics and Aeronomy, co-édité par Dr. Romain Maggiolo, chercheur de l'IASB.
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La mission European Cluster comprenant quatre satellites volant dans une formation tétraédrique et collectant des données détaillées sur les changements à petite échelle dans l'espace proche de la Terre, et sur l'interaction entre les particules chargées du vent solaire et la magnétosphère terrestre. Crédits: ESA - CC BY-SA 3.0 IGO
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L'un des chapitres du livre, rédigé par le Dr Herbert Gunnel, examine si un champ magnétique planétaire intrinsèque protège l'ionosphère, et la conclusion est que non, dans les conditions actuelles. Cela peut être expliqué par les rhinocéros.